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Quand le migrant migre en ligne
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Les CLIN (classes d’initiation) sont des dispositifs de soutien linguistique à destination des enfants nouvellement arrivés en France. Ces postes n’existent que dans les quartiers qui accueillent chaque année une importante population migrante. Les élèves sont inscrits dans des classes ordinaires et vont en CLIN entre 3h et 12h par semaine, en fonction de leurs besoins et du fonctionnement du poste.
Depuis sa création en 2003, la CLIN de Mons-Fives s’est peu à peu implantée sur tout l’Est de la métropole lilloise (Fives, Hellemmes, Mons-en-Baroeul) et propose des regroupements à la journée, dans une salle de classe toute équipée, à tous les élèves primo-arrivants du secteur.
Ce fonctionnement en petits groupes 6h par semaine a permis de développer une expérimentation originale fondée sur des techniques Freinet (l’entretien, le texte libre), l’usage d’internet comme outil d’archivage et de partage du patrimoine de classe et le logiciel Lecthème comme outil de structuration individualisée.
Olivier Pagani nous explique comment l’ordinateur est devenu un assistant pédagogique au coeur de sa pratique de classe.
Dépassé par les événements? tant mieux!
Depuis presque 10 ans que j’accueille des enfants nouvellement arrivés, ma licence FLE a du me servir une fois ou deux, tandis que ma capacité d’étonnement m’a aidé tous les jours.
L’enfant migrant me dépasse. C’est inconfortable mais décisif, car je me suis rendu compte qu’être dépassé par les événements pouvait être une chance et non une catastrophe. A condition d’abandonner sa position d’expert présumé pour s’aventurer dans l’artisanat pédagogique.
Ce qui m’a aidé, c’est d’avoir découvert, malgré ma formation, qu’il existait des pédagogies actives et coopératives, centrées sur l’expression personnelle et l’expérience réelle.
Quand on a dans la classe des petits groupes d’élèves de 6 à 12 ans, réfugiés, sans-papiers, adoptés, là par hasard, là par mission, analphabètes ou trilingues, on réalise assez vite qu’aucun tableau ne rend bien compte de ce qu’on vit et qu’on gagne à lâcher ses séquences millimétrées pour faire autrement, à partir d’eux. A préférer la réactivité à la programmation.
Je crois même que c’est là que l’élève commence à profiter de notre liberté pédagogique. En CLIN et CLA, notre seul programme est l’intégration linguistique. Or, on fait du linguistique pour produire du scolaire, et on fait du scolaire pour produire du social. Pourquoi ne s’intéresser qu’au locuteur qui est dans l’élève qui est dans l’enfant? Pourquoi faire de son dispositif un labo de langue quand on peut lui donner l’occasion d’être le labo d’un vivre ensemble?
Par souci d’efficacité? Et si l’efficacité, c’était au contraire de placer au coeur de notre dispositif l’accompagnement de “ce qui vient”, en laissant à l’enfant l’initiative d’être indifféremment enfant, élève ou locuteur? On apprend vraiment à parler que lorsqu’on a des choses à dire. Oui, mais alors comment susciter et structurer ce qu’il y a à dire? Dans les deux cas, l’ordinateur peut nous aider.
Ecrire dans l’ordinateur: internet ou le cahier qui parle
Mon expérience depuis 6 ans aura consisté à faire migrer le migrant en ligne! Là au moins, il était quelque part. Quand en 2005 j’ai créé le site “de Mons au monde”, sorte de cahier de vie multimédia, c’était pour partager les textes libres des enfants. Une sorte d’internet de quartier où il était possible d’entendre ce que ces petits muets du fond de la classe pouvaient dire. L’élément de base du site est constitué de deux éléments: une image (la numérisation d’un texte imprimé et illustré) et un son (la lecture par l’élève de son texte). Centré sur le texte libre, l’expression personnelle et l’expérience réelle en “milieu naturel”, le site a peu à peu contaminé toute la pratique de classe, avec des vidéos et des chansons, des comptes-rendus d’expo, des projets collaboratifs, si bien qu’aujourd’hui tout ce qui est en classe a son double numérique.
Cette petite utopie scolaire est assez bon marché, grâce au logiciel libre ou gratuit et au bricolage collaboratif. Il faut de la polyvalence, de la curiosité et surtout un luxe de temps pour inventer sa pratique en ligne, mais cet investissement démesuré me semble un choix raisonnable quand on mesure bien les effets produits.
Premier effet de la numérisation quotidienne du patrimoine de classe, la motivation. Les enfants jubilent de voir leurs productions “dans l’ordinateur”. Ecouter chaque semaine ses textes et ceux des autres crée une stimulation de longue durée. On sait pourquoi on écrit, la publication devient le moteur du désir d’entrée dans la langue.
Deuxième effet, l’intégration par la mise en réseau. Intégration des enfants et du dispositif.
Le contenu du site provoque un effet de curiosité très large. On a peu l’occasion d’entendre la parole des enfants et encore moins celle des enfants migrants. De plus, la coexistence d’origines variées crée un contenu multiculturel séduisant, qui donne à voir l’enfant non plus sous l’angle de la difficulté pédagogique mais sous celui de la richesse interculturelle. Au-delà du partage des informations administratives qui facilitent la connaissance et la reconnaissance du dispositif, un site internet “vivant” semble le meilleur outil pour faire exister le migrant dans la tête des différents acteurs (écoles, enseignants, familles). Le site virtuel donne une existence au dispositif et lui donne presque le statut d’une classe. Le virtuel vient au secours d’un réel en pointillés.
Troisième effet et le plus important selon moi, la mise en ligne des productions rend possible une première écriture de soi.
Devenir auteur de soi: internet ou l’assistant biographique
L’enfant migrant a un temps de retard sur son projet. Ce n’est pas lui qui a décidé de migrer. Il peut faire partie des valises ou bien être catapulté, en arrivant il n’est jamais l’auteur de sa migration. Cependant il faudra bien qu’il le devienne et c’est à l’école que cette migration prendra sens ou pas.
J’ai toujours été frappé par l’indifférence aimable que produit l’égalitarisme de principe. “On ne veut pas savoir, tu es un élève comme tout le monde”. C’est un bel objectif mais un mauvais point de départ. Quand on fait en sorte de savoir, on n’est pas à l’abri des malentendus mais quand on ne veut pas savoir, on les produit à coup sûr. A chaque inscription, après l’évaluation de l’élève, je prends une heure avec la famille. C’est important de connaître la problématique familiale car l’enfant n’a pas d’autre choix que de s’inventer une problématique personnelle à partir de sa problématique familiale.
Beaucoup de paramètres facilitent l’intégration: régularité scolaire, jeunesse, scolarisation antérieure, proximité entre langue source et langue cible... Mais le principal est celui du sens. Un enfant qui n’a pas répondu à ces deux questions “qu’est-ce que je fais là?” et “qu’est-ce que je peux faire là?” ne peut pas être vraiment là. L’élève avec lequel j’ai eu le plus de difficultés n’était pas un pré-ado rom jamais scolarisé, c’était une américaine vivant dans une famille aisée qui ne comprenait pas ce qu’elle faisait là et qui était convaincue d’en partir bientôt...
Il y a parfois des traumatismes aigus mais le plus souvent, je vois la migration comme un traumatisme “ordinaire”, une sorte de temps gelé. C’est comme si la migration avait mis la vie de l’enfant sur pause. Lui demander de raconter ses histoires au quotidien, c’est l’inviter à se raconter son histoire, à lui faire sentir qu’il y a des choses à faire puisqu’il y a des choses à dire.
Au présent. Tous les enfants qui prennent le chemin du texte libre commencent par un présent, et par une représentation chaleureuse de ce présent. Tous les textes libres commencent par une maison, un soleil et un bonhomme et en général la phrase “C’est ma maison.” Qu’ils vivent à l’hôtel, en caravane ou en bidonville.
Bien sûr, on n’écrit pas ses mémoires à 8 ans, cette narration enfantine de soi marque avant tout une entrée dans la langue. Il ne faut pourtant pas sous-estimer la valeur de ces petites choses. Avoir des souvenirs d’enfance, c’est déjà bien commencer dans la vie. Jusqu’ici, il n’y avait que les enfants soigneux qui avaient des souvenirs d’école. Avec la mise en ligne, on peut conserver des traces d’enfance pour tous. Ainsi, le principal destinataire du site est l’enfant lui-même à travers le temps. Quand je revois des anciens élèves, collégiens, lycéens, la plupart me disent qu’ils sont allés au moins une fois réécouter leurs premiers textes et leurs voix d’enfant, qui sont en ligne “pour toujours”.
On sait depuis Freinet que c’est en écrivant qu’on apprend à lire. Ca aide à sentir le réel que de l’écrire, en le cadrant par le dessin et en le parlant par le texte libre. Inciter l’élève à préciser le point de vue, à chercher le détail, le contraindre à la nouveauté, mais toujours lui demander de partir de lui-même. Partir de l’existant et tracer son premier cercle au moyen de l’expression personnelle est, je crois, la seule façon d’acquérir solidement un premier territoire.
Enseigner en CLIN, l’art de créer des triangles?
Ce qui m’a le plus aidé dans la pédagogie Freinet appliquée aux migrants est la notion de “réponse pédagogique”. Peut-être parce que je me sens incapable d’une progression digne de ce nom, je conçois l’enseignant comme celui qui a l’art de créer des situations où il va parler en second, où il va être celui qui répond. Je crois que ce que je dis le plus en classe c’est “ah bon?”. Toute la connaissance qu’on peut avoir sur l’enfant migrant n’aura pas la même force émancipatoire que la connaissance qu’il pourra acquérir sur lui-même.
Le triangle didactique enseignant-élève-savoir se trace dans un grand rectangle, la salle de classe. Aménager ce rectangle est le premier grand dilemme qu’on se pose en arrivant dans une classe. Les enfants de maternelle vivent dans un espace plié jusqu’à la fin de la Grande Section. Il y a des ateliers partout, jeux, peinture, écoute, graphisme, albums... Puis, dès le premier jour de la grande école, on les met en rangs pour qu’ils puissent faire tous la même chose en même temps. Or c’est ce qui handicape le plus le migrant. Plus il y a de coins, plus il y a de triangles didactiques possibles et plus on a d’occasions d’accrocher à quelque chose. Chaque lieu, avec son usage et son temps, est l’occasion d’interactions spécifiques. C’est ce que les pédagogues appellent “l’institution”.
Une salle de regroupement CLIN accueille trop peu d’élèves pour faire exister des coins différents en même temps mais au moins peut-elle expérimenter des nouveaux triangles et les proposer aux classes ordinaires.
Le triangle pédagogique qui s’implante le mieux dans les salles de classe est le coin informatique, avec un logiciel choisi dont on accompagne l’usage. Je crois que même en grand groupe, il vaut mieux utiliser un bon logiciel qu’un bon manuel.
Le logiciel, un manuel pour soi tout seul?
Dans ma pratique, en matière d’écrits, je croise le site internet “de Mons au monde” avec le logiciel Lecthème. Le logiciel structure ce que le site suscite.
L’intérêt d’un logiciel est qu’il permet une excellente individualisation, une certaine autonomie, à partir d’un corpus multimédia (mot-son, mot-image) et d’une interface plus transparente que celle des manuels ou des fichiers. Surtout, il permet une trajectoire individuelle, une suite de micro-défis en auto-évaluation.
Le principal reproche qu’on peut faire au meilleur manuel, c’est sa linéarité. C’est l’impossibilité de s’y faire une trajectoire personnelle. De ce point de vue, le fichier se situe à mi-chemin entre le logiciel et le manuel. Le logiciel n’innove pas dans les activités: la plupart propose des exercices systématiques sur une base lexicale arrêtée. Mais un bon logiciel offre un très grand nombre de situations où on peut se frayer son chemin dans la langue, en se mesurant à soi-même. Il suffit de déterminer le point d’arrivée: dans mon cas, une grille individuelle avec les autodictées des 20 thèmes que propose le logiciel (soit l’orthographe lexicale d’environ 700 mots). Je note le meilleur résultat de chaque dictée que l’enfant décide de faire, après s’être entraîné librement sur tous les exercices du thème choisi. Si le logiciel en arrive à faire aimer les dictées, c’est que sur ordinateur, il n’y a pas de faute, il n’y a que des erreurs. Pas de moue réprobatrice, juste un bip. Et quand on veut se sortir du champ de mines de l’orthographe française, ne pas avoir peur de se tromper est un atout considérable.
L’usage du logiciel apporte une structuration très fine, mais même dans cette situation, la relation avec l’ordinateur est triangulaire. Sans l’enseignant qui sait où ça va, on peut tourner en boucle.
Même quand il n’a presque plus à intervenir, l’enseignant peut tirer profit de l’accompagnement de la séance informatique car c’est sur un écran qu’on voit le mieux et le plus discrètement comment un élève se trompe.
Logiciel, site de classe et moteur de recherche. Une machine, trois usages... Quand on allume l’ordinateur dans ma classe, il faut choisir ce qu’on ouvre: une salle d’entraînement, un musée de classe ou une fenêtre sur le monde.
En retard devant la feuille mais à l’heure devant l’écran
L’intégration sur ordinateur va plus vite que l’intégration sur papier. Des roms roumains jamais scolarisés qui dessinent des bonhommes tétards à 10 ans mettront deux mois à maîtriser la cursive mais deux heures à maîtriser la souris... Il ne s’agit pas de bannir le papier, mais de leur faire profiter de l’avance qu’ont les écrans aujourd’hui. Dans leur vie future, ils manipuleront plus souvent un clavier qu’un cahier et surtout ils sont moins “en retard” sur un éditeur de texte que sur une feuille!
Ce serait dommage de jouer le stylo contre la souris, l’ordinateur contre le livre, car ce sera l’un et l’autre. C’est déjà l’un et l’autre mais l’école met du temps à en tirer profit. Les discussions en salle des profs se limitent à déplorer l’esprit multi-tâche, les enfants qui s’abrutissent de jeux en ligne et de tchat en orthographe sms.
C’est une histoire de génération. Nous sommes des “digital migrants”, alors que nos élèves migrants sont des “digital natives”! Les premières générations de profs nés avec l’internet arrivent tout juste, ça changera probablement les choses.
Toute innovation majeure fait craindre la perte alors qu’elle ne fait qu’ajouter quelque chose. Internet n’a pas tué la télé qui n’a pas tué la radio qui n’a pas tué le journal...
Au 21ème siècle, le mot d’ordre à l’école devrait être “plasticité cérébrale pour tout le monde”! On sait que les élèves en sont naturellement dotés, c’est les adultes qu’il y a autour qu’il faut former...
Il n’y a pas de raison de craindre ce qui émerge en utilisant les ordinateurs à l’école si on s’en sert pour découvrir le monde, systématiser des apprentissages ou se construire une identité numérique.
Il y a des compétences numériques qui émergent, dans l’usage multimédia, dans l’art de recouper les sources, et même dans le jeu vidéo, le grand satan de l’école primaire. Quand on voit l’énergie dont sont capables les enfants dans leurs jeux, ce serait un gâchis de ne pas essayer de le mettre de “notre” côté.
Difficile pour nous d’aider les enfants à se faire un chemin dans le torrent numérique quand on a peur nous-mêmes d’y aller. Si on fait à l’école avec internet ce qu’on a fait avec la télévision, regarder ça de haut depuis notre bibliothèque, on contribuera à produire des consommateurs hypnotisés par un écran de plus.
Pourquoi faire semblant quand on peut faire vraiment?
En FLE (Français Langue Etrangère), on est obligé de faire semblant car on est hors sol.
Mais en FLS (Français Langue Seconde)?
Pourquoi faire une “simulation globale” quand on peut agir en non simulé? Pourquoi la langue de l’école devrait-elle être dissociée de la langue de la vie? A force de se spécifier, l’école crée sa propre catégorie, qu’elle finit même par considérer comme un problème puisqu’elle reproche parfois aux élèves d’être trop “scolaires”!
Admettons que le migrant pratique en classe le FLSco (Français Langue de Scolarisation). Que fait-on du FLR (Français Langue de la Récré) qu’on parle aussi à la cantine? Et le FLC (Français Langue des Copains) qu’on parle dans la rue et surtout le FLT (Français Langue de la Télé) qu’on entend à la maison?...
Suivant l’approche communicative, la langue est un outil de communication avant d’être un objet d’apprentissage. Si nous parvenons dans nos dispositifs à mettre les enfants migrants en situation de communiquer, dans les situations les plus réelles et les plus variées possibles, ils apprendront le FLN (Français Langue Naturelle)!
L’ordinateur n’est qu’un outil. On peut faire vraiment avec un ordinateur et faire semblant avec du papier. Ce n’est pas une question de support, c’est une question d’enjeu. Et les mettre sur ordinateur dès leur arrivée, ce n’est pas les éloigner de la vie, car on va tous de plus en plus “faire vraiment” par ordinateurs interposés.
Migrer en ligne pour arriver plus vite
Je crois qu’à l’école, les migrants tirent davantage profit des instituteurs qui instituent que des professeurs qui parlent. Je parle bien sûr de pédagogie et non de statut. On peut professer en primaire et instituer dans le secondaire. Instituer des coins, c’est plier l’espace de sa classe et donner l’initiative à l’élève d’organiser un peu son temps. Dans un tel milieu, l’ordinateur (site internet, logiciel, moteur de recherche) donne des chances supplémentaires. C’est ce que j’ai pu observer dans mon labo miniature.
Les nouvelles technologies sont des amplificateurs d’effets. Elles peuvent servir le consumérisme, la surveillance comme les utopies humanistes.
Avec les nouvelles technologies, une révolution cognitive est en cours. Nous sommes en transition. Avoir une pratique de classe connectée dans ce contexte, c’est avoir le sentiment d’être en avance et déjà en retard!... Mon expérience est très “primaire”. Tout est en web 1.0, une vitrine très simple, bricolée page à page et destinée uniquement à la consultation. Avec le web 2.0 (participatif) et les nouveaux équipements, il y a tellement d’usages à inventer...
Mais attention à la techno-béatitude. Acheter des ordinateurs pour supprimer des profs, comme aux Etats-Unis, est contre-productif car l’ordinateur ne fait pas de pédagogie tout seul: c’est le meilleur des assistants mais le pire des remplaçants. Et pour faire exister des pratiques connectées, il faut pouvoir travailler en petits groupes, donc sortir de la logique couperet des taux d’encadrement. Il y a aussi des efforts d’équipement à faire, même si on peut se débrouiller avec l’abondante récupération technologique. Il faudrait surtout que chaque enseignant ait le temps d’inventer sa pratique à partir de sa subjectivité. Comment un enfant pourrait-il se sentir auteur de lui-même à l’école, si son enseignant n’a pas lui même cette chance? Dans l’angoisse de mal faire, le refuge sera toujours de suivre un manuel en discours magistral, car c’est la seule chose qu’on puisse faire à peu près sans se tromper. Il n’y a pas de pratique innovante sans tâtonnement ni droit à l’erreur. La liberté pédagogique ne se décrète pas, elle s’éprouve au long cours, et pour avoir l’esprit en éveil, il faut avoir l’esprit tranquille. Les dispositifs CLIN et CLA sont par nature expérimentaux puisqu’ils ne sont pas écrasés par un programme. Ce sont les plus à même d’utiliser simplement l’ordinateur comme Freinet a pu utiliser la machine à écrire il y a presque un siècle, en choisissant ses usages pour leur potentiel d’émancipation et comme le prolongement naturel d’une pratique de classe.
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Quand les enfants roms trouvent le chemin de l'école |
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de Mons au monde,
pour une mondialisation de proximité
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article paru dans le n°473 des Cahiers Pédagogiques (mai 2009) |
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Depuis septembre 2003, je suis enseignant en Classe d’initiation (CLIN) à Mons-en-Baroeul (métropole lilloise).
La CLIN (classe d’initiation) est un dispositif d’entrée intensive dans le français oral et écrit pour les enfants nouvellement arrivés en France d’âge élémentaire (de 6 à 11 ans).
Le sigle est assez mal choisi car il ne s’agit ni d’une classe (mais d’un dispositif ouvert que l’élève fréquente à temps partiel) ni d’une initiation (puisqu’on vise la maîtrise du français oral et écrit à l’horizon d’une année scolaire). Mon poste a été créé en réponse à la présence de demandeurs d’asile dans un hôtel des environs. Il s’est implanté dans une salle de classe libre à l’école La Paix de Mons-en-Baroeul. Très vite, il a concerné des enfants qui étaient isolés jusque là et qui arrivaient dans d’autres contextes (regroupement familial surtout, nouvelles unions et adoptions à la marge).
Depuis 2005, le poste s’est étendu au quartier voisin de Lille Fives. Le dispositif est désormais à cheval sur deux circonscriptions et villes différentes. L’école est située à la frontière entre ces deux villes, ce qui rend cette implantation pertinente mais cela n’a été possible que grâce à une certaine ouverture d’esprit au niveau administratif.
La CLIN est une réalité marginale dans la région Nord Pas de Calais. Il y a 11 postes dans le Nord, dont la moitié sur la métropole lilloise, le reste fonctionnant sur la base d’heures supplémentaires attribuées par le CASNAV et réalisées par des enseignants volontaires.
Ces postes isolés n’étant régis que par une circulaire très générale, il y a presque autant de fonctionnements que de CLIN. Sur le principe, on a une grande liberté pédagogique qui incite à l’inventivité, on pourrait même dire qu’elle y contraint. Dans les faits, il n’est pas toujours évident de l’exercer puisqu’il faut d’abord faire connaître et reconnaître un dispositif méconnu, négocier un lieu et un fonctionnement au carrefour de différentes écoles et territoires.
Tous les primo-arrivants du secteur sont inscrits normalement dans l’école la plus proche de chez eux. Puis, après les avoir évalués, je les intègre dans l’un des 3 groupes du dispositif. Ils viennent alors une journée complète dans leur semaine à l’école La Paix de Mons-en-Baroeul. Le reste du temps ils sont dans leur classe de référence. Il me reste une journée pour faire le lien entre ma classe et les écoles des élèves les plus en difficulté.
Les groupes comptent 7-8 élèves et les journées se sont peu à peu structurées (emploi du temps détaillé). Au total, il y a un peu plus de 30 jours CLIN par groupe ce qui fait 200h de Français Langue Seconde par an (sur 880h d’enseignement). Pour un adulte, ce volume horaire correspond à un niveau seuil. Pour un enfant, c’est souvent suffisant pour atteindre une autonomie totale dans sa classe (avec le décalage fréquent d’un an pour les cycle 3). Il faut dire que l’enfant est en situation de « survie linguistique » à l’école et que la CLIN n’a pas le monopole de l’apprentissage du français.
En décembre 2005, le site « de Mons au monde »
Au départ, je l’ai conçu comme un intranet de quartier, une tentative de mise en réseau des écoles concernées autour des productions des élèves.
Chaque année, le dispositif accompagne une trentaine d’élèves d’une quinzaine de nationalités (d’où vient-on ?), essentiellement du Maghreb, du Caucase, d’Europe de l’Est et d’Afrique noire. Quelques enfants viennent d’Asie, du Proche-Orient ou d’Amérique.
Cette trentaine d’élèves est inscrite dans une vingtaine de classes sur une dizaine d’écoles, la plupart en REP. Mais l’école où s’est implantée la CLIN, l’école La Paix, a la chance d’être sans difficulté particulière et assez mixte socialement. À la manière du Prato, théâtre lillois dont le sous-titre est « théâtre international de quartier », on pourrait dire que depuis 2003, le sous-titre de l’école La Paix est devenu « école internationale de quartier » (où va-t-on ?).
La question de l’immigration en France est le plus souvent présentée selon une logique coûts/avantages. Au niveau des parents d’élèves, cela donne d’un côté, une certaine angoisse devant l’arrivée d’enfants étrangers qui vont « faire baisser le niveau » et de l’autre, un intérêt pour la plus-value culturelle qu’ils apportent à leurs propres enfants. Au niveau des relations avec les parents, le site peut contribuer à faire pencher la balance de ce côté-là.
Le démographe François Héran a pointé avec ironie dans « Le temps des immigrés » le cynisme au coeur de la logique qui inspire les discours publics et les politiques migratoires de quotas. A l’heure où les migrations forment une réalité incontournable et nécessaire, il est vain et inefficace d’opposer les immigrations entre elles (celui qui vient travailler vient aussi vivre en famille et celui qui arrive en famille vient aussi dans l’espoir de travailler). Il propose alors de remplacer le mot « immigration » par le mot « vieillesse » dans certains discours publics. Accepterait-on d’entendre parler de « vieillesse choisie » ?...
Plutôt que de discuter sans cesse de qui est désirable et qui ne l’est pas, il s’agirait plutôt de construire « une bonne mobilité » pour les migrants (Pour un autre regard sur les migrations), ce qui suppose une perméabilité du territoire, en entrée comme en sortie.
La présence de ces enfants est une occasion de faire le constat local d’une mondialisation culturelle en cours. Et surtout d’inventer au niveau « micro » des façons de l’accompagner. Voilà une occasion d’agir localement tout en pensant globalement. L’école primaire est un monde social à part entière mais c’est aussi un laboratoire du monde social à venir. La salle de classe comme la cour de récré sont des lieux de répétitions où l’on expérimente du lien social, des façons d’être ensemble. Et l’atout de l’école primaire, c’est qu’elle offre la possibilité de la coopération alors qu’autour et après, c’est la compétition qui prime.
La mondialisation en marche dans un quartier populaire
Dans cette école, en quelques années, une trentaine de nationalités et de langues se sont côtoyées. Pour l’enfant, le droit à l’enseignement n’est conditionné que par sa seule présence en France. Ce droit est aussi un devoir pour les enfants d’âge élémentaire. Tout enfant présent sur le territoire français peut et doit donc intégrer une école. La diversité est là, elle existe de fait. On ne tergiverse pas, en se demandant s’il ne vaut pas mieux cette diversité-ci plutôt que celle-là et en quelle proportion. La question est d’accueillir et d’accompagner ce que la mondialisation et la timide libre circulation des hommes (qui arrive bonne dernière dans le processus) produit dans le quartier populaire d’une ville ordinaire.
Ma position d’enseignant se situe entre l’exigence de la maîtrise d’une langue commune, le français oral et écrit en contexte scolaire, et la valorisation du plurilinguisme et du métissage culturel.
Mes choix pédagogiques associent techniques inspirées de Célestin Freinet et usage des technologies internet et multimédias. En ce qui concerne l’entrée dans l’écrit, je tente de croiser la méthode naturelle de lecture avec l’usage d’un logiciel, Lecthème, pour l’acquisition systématique du lexique.
L’idée est d’accompagner un parcours en partant de l’expérience réelle pour aller vers l’expression personnelle. De partir de l’existant, du périmètre de curiosité de l’élève, et de gagner peu à peu du territoire par cercles concentriques. La question qu’on se pose en classe, individuellement et collectivement, c’est comment jour après jour on fait l’expérience du monde.
Chaque journée de CLIN commence par un entretien. Chacun raconte quelque chose qu’il a vu ou vécu ou dont il a envie de débattre. Certaines prises de parole sont filmées. Je dicte ensuite à tous le résumé de ce qui s’est dit, chaque élève va écrire sa phrase au tableau et on la corrige ensemble. C’est l’occasion de voir comment la langue fonctionne tout en laissant des traces de vie sur lesquelles on peut revenir seul ou ensemble. De plus, la prise de parole du matin peut donner lieu à un texte libre l’après-midi. L’ensemble de ces données, rassemblé dans un journal de bord, matérialise au jour le jour le temps qui passe, le temps qu’on passe ensemble (exemple de journal de bord).
L’entretien est ritualisé, inscrit dans notre quotidien. Il porte souvent sur ce qui nous arrive hors de l’école mais l’école est aussi un lieu qui propose des expériences particulières.
Le travail en petit groupe permet une grande mobilité, on sort, on va voir « de la langue en situation ». Avant la création du site, entre 2003-2005, j’ai accompagné plusieurs visites avec une caméra. Je me mettais en retrait de la rencontre, je filmais, puis je montais et sous-titrais des mots importants et enfin je réexploitais tant bien que mal le court-métrage en classe (voir notre vidéothèque de classe). Ces courts-métrages nécessitaient un lourd travail préparatoire au regard de leur intérêt pédagogique. Le document était produit seul, même si l’expérience avait été collective.
Depuis, nos sorties ont subi une sorte de décroissance technologique. Que ce soit dans le « monde réel » ou dans les lieux artistiques, nous sommes ainsi passés du film documentaire au photo-reportage. En choisissant un dispositif multimédia plus simple, les élèves pouvaient prendre en charge plus d’étapes dans le processus de mise en partage (voir par exemple le chantier du collège ou la visite d’une exposition sur l’Inde). En matière de technologie, qui peut le plus ne peut pas forcément le moins. Il faut toujours se poser la question du dispositif multimédia le plus adapté à l’objectif.
Entrer dans l’écrit avant de savoir écrire
Dans la classe, l’expression personnelle est au coeur de l’apprentissage. Et sur internet, chaque acte d’expression se finalise sous la forme d’une image et d’un son (un texte illustré et une lecture enregistrée).
Le processus de base est toujours le même : l’élève dessine, retourne sa feuille, écrit son texte au dos, je le corrige avec lui, il le tape à l’ordinateur, il l’imprime, il le scanne et il le lit, je l’enregistre.
Cela se passe chaque jour et on est dans ce processus avant même de maîtriser l’écrit (par la dictée à l’adulte). L’ensemble forme un cahier multimédia et collectif qui garde l’écrit et la voix. Les textes libres s’intéressent à l’environnement proche de l’enfant, là où on vivait, là où on vit et avec qui on vit ou les petites choses du quotidien.
On part de l’élève, ou plutôt l’élève part de lui-même, mais il y a toujours une alternance entre ce qui vient de lui et ce que l’enseignant provoque chez lui. Quand la dynamique de l’apprentissage s’appuie sur ce dialogue entre ce que l’enfant apporte et ce que l’école lui répond, on entretient le plaisir de la découverte mutuelle et le désir de savoir.
On a un rapport privilégié au livre et spécialement à l’album, dont on peut mettre en voix les dialogues (L’ogrionne) ou les dessins (Le petit de la poule), dont on peut s’inspirer pour écrire notre propre histoire (Petit-Rond et Gros-Rond, à la manière de Lionni) ou traduire depuis la langue d’origine (Les menteurs, un conte arménien).
Le carnet de chants réunit chansons françaises et chansons du monde. Dans le répertoire traditionnel enfantin, élément clef de la culture scolaire, on découvre la langue en musique. Avec les chansons d’ailleurs, on s’initie à la musique de la langue des autres, à d’autres écritures, d’autres sons. Les chansons voyagent, s’adaptent, évoluent, et parfois reviennent d’où elles sont parties, démultipliées. On s’amuse alors de ces heureux hasards. Notre site rassemble la plus grande collection de « Frère Jacques » du web (Frère Jacques multilingue).
Les jeux d’écriture poétique sont aussi de bons pouvoyeurs de métissage linguistique (voici, d’après une recette oulipienne, nos térines avec langue partenaire).
L’ensemble de ces expériences constitue notre patrimoine de classe, un cahier collectif et virtuel, qui parle, bouge et garde la mémoire. Un cahier qui peut être ouvert simultanément dans des pleins d’endroits différents. Internet offre la possibilité de la fête d’école permanente.
Les destinataires sont multiples. Au niveau du quartier, les écoles, les familles, les structures en lien avec l’enfance et la culture, et, de proche en proche, le site entretient un petit réseau local de curiosité. Mais avec internet on n’écrit pas seulement à ceux qu’on avait initialement prévus. On reçoit des courriels d’un peu partout, et pas seulement d’écoles. A la rentrée 2008, on m’a appelé du Kazakhstan pour inscrire un élève à Mons-en-Baroeul !
Pour autant, le pari de l’internet se heurte encore à la fracture numérique. Presque aucun de mes élèves n’a d’ordinateur à la maison, ce qui ne rend pas encore possible l’appropriation familiale du site, bien que j’organise des visites en salle informatique pour les parents. Mais tout comme l’entrée dans la langue, l’entrée dans le numérique provoque une métamorphose chez ces enfants. Un enfant qui n’a jamais vu d’ordinateur, manipule une souris à la fin d’une journée et c’est un objet qu’il a toutes les chances d’utiliser toute sa vie...
Bricolage identitaire
L’un des principaux destinataires du site, c’est peut-être l’enfant lui-même, à travers le temps. Le site enregistre des temps d’enfance, qui sont aussi des moments très particuliers où la migration se fait. C’est une sorte de tableau de chasse où l’on peut retrouver les tout premiers mots qu’on a dits et écrits dans une langue qui est devenue la nôtre.
Pour le reste, c’est un peu comme la vitrine d’un magasin de bricolage. On peut y piocher des outils plus ou moins précis et plus ou moins adaptés à ce qu’on veut faire. Et c’est parfois l’outil qui donne l’idée. C’est comme ça que j’utilise ce que les autres mettent en ligne.
C’est sur cette idée de bricolage que je souhaite conclure cette présentation car j’ai l’impression que c’est un mot-clef en classe d’initiation.
Le bricolage est d’abord identitaire. Quand un enfant arrive dans l’école, ce n’est pas totalité d’une culture qui rencontre la totalité d’une autre. Le choc des civilisations n’existe pas, et encore moins à l’école primaire. L’identité est mouvante, le parcours de migration se bricole avec les moyens du bord. Ce qu’on fait en l’accompagnant, c’est enrichir les moyens du bord. Et j’ai découvert à quel point il était absurde d’essentialiser les cultures. Comme dit Daniel Maximin, l’identité est plus dans le fruit que dans les racines. L’essentiel n’est pas d’où l’on vient mais ce qu’on en fait là où on est.
Le bricolage est aussi pédagogique. La bonne méthode, c’est celle qu’on invente. Mon parcours personnel a partie liée avec Freinet et les nouvelles technologies. Ça aurait pu être tout autre chose. Il n’y a pas de manuel pour le sur-mesure, il faut toujours essayer et ajuster, mais c’est un vrai bonheur de pouvoir inventer son métier. Surtout qu’avec internet, ce bricolage devient coopératif. L’utopie coopérative du web, passager clandestin du monde marchand, est une réalité enthousiasmante qui donne prise sur un réel à venir.
Pour finir, il faut affirmer le plaisir qu’il y a à travailler avec ces élèves. On est tous, adultes et enfants, d’ici et d’ailleurs, suffisamment semblables pour se réjouir de nos différences. Comme l’a écrit l’ethnopsychanalyste Marie-Rose Moro, dans l’aventure humaine, on est tous des étrangers (Enfants d’ici venus d’ailleurs).
La politique migratoire de la France est la seule ombre au tableau et je la vois à l’oeuvre tous les jours. C’est un paradoxe cruel pour tout le monde de tout faire pour intégrer des enfants tout en faisant tout ce qu’il faut pour dissuader les familles de rester.
Olivier Pagani
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entretien extrait de |
ENFANTS ET JEUNES NOUVELLEMENT ARRIVES, le guide de l’accompagnement éducatif |
cahier de l'action publié par l' INJEP - AFEV (mai 2007) |
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« De Mons au Monde » : les nouvelles technologies au service de la valorisation du travail et de l’apprentissage des enfants nouvellement arrivés
http://demonsaumonde.free.fr
Le territoire
En 1999, 172 700 personnes immigrées ont été recensées dans le Nord-Pas-de-Calais, soit 4,3% de la population régionale. La région, et plus massivement le département du Nord continue à être terre d’accueil. Ainsi, environ 5000 personnes en provenance de pays tiers ont été accueillies en 2002. Seulement 0,1% des élèves du premier degré de l’académie de Lille sont nouveaux arrivants. Mais les chiffres sont en augmentation depuis quelques années. En septembre 2003, une CLIN a été ouverte à Mons-en-Baroeul en réponse à une augmentation des effectifs d’enfants nouvellement arrivés sur la ville de Mons et sur le quartier de Fives-Lille.
Contexte et historique La classe d’initiation (CLIN) de Mons-en-Baroeul
La mission générale d’une CLIN est d'offrir aux élèves nouvellement arrivés une entrée intensive dans le français oral et écrit et de leur permettre de rejoindre le plus rapidement possible une classe ordinaire à temps plein. Le mode de fonctionnement dépend en grande partie de l’orientation choisie par les enseignants de CLIN et de classes ordinaires. Ainsi, l'organisation du dispositif CLIN de Mons-en-Baroeul est chaque année défini en fonction de l'effectif et de sa répartition, selon l'âge, l'arrivée en France et le nombre d'écoles concernées. Cette année 2006-2007, la CLIN accueille 23 élèves scolarisés dans sept écoles différentes de Mons et Fives, répartis en trois groupes différents : les enfants de CP, ceux de CE1 et ceux de cycle 3. Chacun des groupes est accueilli une journée complète en CLIN par semaine. Le reste de la semaine, les élèves sont scolarisés dans leur classe de référence au sein des sept différentes écoles, ce qui suppose une démarche collaborative avec les enseignants des classes de référence.. Ce regroupement en CLIN offre aux élèves un enseignement intensif de six heures de français langue seconde par semaine en plus d'un accompagnement en classe pour certains d'entre eux. Dans le cas d’une scolarisation en « CLIN fermée », tous les élèves nouvellement arrivés d'un secteur sont dans une seule et même classe à temps complet. Il peut être plus difficile d’intégrer un enfant en classe ordinaire après ce type de scolarisation. C'est pour éviter cette confusion qu'on préfère présenter une CLIN ouverte comme un dispositif plutôt qu'une classe. Onze élèves parmi les 23 sont arrivés en France pendant l'été 2006, les douze autres élèves ayant déjà bénéficié d’un enseignement CLIN l’année précédente.
Entretien avec Olivier Pagani, enseignant de la CLIN de Mons-en-Baroeul pour la quatrième année
Vous avez créé le site internet de la CLIN intitulé « de Mons au Monde » . Quelles ont été les différentes étapes jusqu’à la création de ce site ?
J’ai créé le site internet en décembre 2005. Auparavant, durant mes deux premières années d’enseignement, j’avais déjà beaucoup eu recours aux supports audiovisuels dans mon travail avec les élèves. Quand j’ai commencé en CLIN, je savais que j’utiliserai le film et l’image d’une manière ou d’une autre dans le cadre de mon enseignement. J’ai fait des études de lettres et cinéma, je suis donc très sensibilisé à l’éducation à l’image et à l’éducation par l’image. Par sa nature, l’image est une entrée importante pour les activités liées au langage. C'est une sorte d'esperanto visuel qui invite à la parole. Mais il est important de présenter l'image comme un langage spécifique dont il faut maîtriser les codes. Elle devrait être un vrai objet d'apprentissage à l'école primaire. Cela dépasse le cadre des CLIN, pas mal de petits français restent analphabètes dans leur pratique télévisuelle notamment.
De la sortie scolaire sous forme documentaire au photoreportage mené par les enfants
Au départ, je venais plutôt avec une attente documentaire, objet audiovisuel qui m’intéresse beaucoup: j’allais filmer les enfants au cours de sorties scolaires, à la boulangerie, à la caserne des pompiers, etc.., dans la démarche de faire vivre aux enfants des situations de langage réel. Le but était vraiment de mettre les élèves en première ligne. C’est moi qui filmais les scènes avec un caméscope et qui ensuite faisais les montages. Chacun de ces petits films étaient ré exploités en classe avec un travail sur le vocabulaire et les situations de communication vécues. Nous faisions beaucoup de petits sketchs de théâtre suite à ces sorties. A partir du film, nous recréions la scène ou bien nous la réinventions en classe en prenant appui sur le réel. Mais c’est quelque chose qui demandait un gros travail en amont, auquel je ne pouvais pas associer les enfants: tournage, montage, incrustation de texte à l’intérieur du film, etc. C’est comme ça que j’ai démarré, puis je me suis orienté vers des activités permettant d’associer les enfants à la technique. Le photoreportage est une possibilité. Par exemple, depuis le début de l’année scolaire, nous suivons le chantier du collège qui se construit à côté de l’école. Sept visites ont été programmées, deux ont déjà eu lieu. Les enfants se rendent sur le chantier, ils peuvent photographier, puis une fois rentrés, organiser les photos et écrire les légendes. Les enfants sont véritablement dans la peau des reporters. Cela suppose de leur part une maîtrise progressive de pas mal de techniques, communicatives et technologiques!
Le site internet de la CLIN de Mons-en-Baroeul « De Mons au monde » Un outil de valorisation du travail des enfants
Les premières années, j’ai mis tous les petits films et les travaux en classe, dessins, peintures sur support vidéo, ainsi que sur recueil papier, et je les ai diffusés lors des fêtes d’écoles en boucle sur une télévision. Il y avait aussi un recueil papier des textes et dessins qui circulait. Le souci, c’était vraiment d’avoir un retour, de valoriser le travail des élèves dans leurs écoles de référence. Il y avait également des lectures en classe organisées quand il y avait un texte fort: je m’arrangeais pour qu’il puisse être lu devant toute la classe. Et puis j’ai commencé à m’intéresser à Internet, aux sites d’écoles et de classes, en particulier celui d’un de mes collègues, enseignant en CP à Fives (http://www.lakanal.net)… Ainsi, lorsque j’ai créé le site internet en décembre 2005, l’idée était réellement d’avoir un support permanent, une sorte d’intranet de quartier s’adressant aux écoles et enseignants de référence, pouvant être consulté à tout moment. Je voulais qu’il y ait un retour du travail fait en CLIN dans toutes les autres écoles concernées. Parce qu’en CLIN, les conditions sont complètement différentes. On est centré sur le français, en petits groupes rassurants, l’enseignement est vraiment sur mesure, adapté au niveau de l’enfant alors qu’en classe de référence, l’enseignant a souvent des exigences que les enfants ne peuvent pas tenir. Ainsi, quand, dans ma classe, l’enfant ose s’exprimer en français, participe et prend des initiatives, il est dommage que j’en sois le seul témoin, qu’il n’y ait pas de retour dans la classe de scolarisation où ils sont 25 et n’entendent jamais parler l’élève nouvellement arrivé. L’idée est de valoriser l’enfant nouvellement arrivé, d’attirer la curiosité sur lui, et de le placer dans une situation où il n’est pas à courir derrière les autres élèves. Dans les faits, les élèves sont souvent très satisfaits de pouvoir montrer à leurs camarades et aux enseignants leurs productions orales et écrites. Ils gagnent beaucoup en confiance grâce à cela.
Un journal de bord pour laisser une trace des premiers mois en France
Le site internet est non seulement un outil de valorisation vis-à-vis de leur classe ordinaire, c’est également un vrai journal collectif de parcours de migration en France. Il permet de donner une identité supplémentaire aux élèves en tant que groupe classe sur laquelle il est bon de s’appuyer. Le site internet authentifie l’existence de la classe. Pour un enfant qui vient d’arriver en France, les premiers mois sont toujours décisifs, je pense qu’il est important qu’il reste des traces de son adaptation à travers ce site. En outre, ils viennent de pays où la culture de l’image n’est pas du tout aussi évidente qu’ici, donc le fait de pouvoir jouer en CLIN avec la photographie, la voix et l’image en mouvement et que ça laisse des traces, je crois que c’est important. Je ferai en sorte que ce site survive quelque soit l'avenir de la classe pour que ce soit un véritable souvenir de leurs premiers mois décisifs en France, une mémoire en partage qui dépasse le seul enjeu scolaire.
Le détail du site internet
Ce n’est que depuis cette année que le site internet est devenu quelque chose de systématique. J’essaie vraiment de faire coller le site à la réalité de la classe par souci de cohérence. Il y a tout d’abord la partie journal de bord. Chaque groupe (CP, CE1 et cycle 3) a sa propre page de journal de bord. Cette page est consacrée aux prises de parole du matin. Certaines de ces prises de paroles sont filmées avec un petit appareil de manière un peu aléatoire pour qu’il y ait des traces de ce qui est dit et qu’on puisse se rendre compte des progrès de l’ensemble des enfants et les réécouter. Tout cela se passe évidemment avec l'accord des enfants. Cet accord met parfois beaucoup de temps à se présenter mais comme l'activité est régulière et qu'ils voient le plaisir qu'ont les habitués à raconter quelque chose aux autres, ils finissent toujours par se jeter à l'eau. Plusieurs pages internet sont également consacrées à la production de textes, souvent en lien avec les témoignages du matin. Les plus jeunes commencent par dessiner puis me racontent leur histoire en dictée à l'adulte, qu’ils tapent ensuite lors de la session informatique. Plusieurs pages sont consacrées aux chansons et poèmes étudiés en classe, tel que la comptine « Frère Jacques » en différentes langues, ainsi qu’aux travaux des années précédentes. Tout cela est ce qu'on appelle le patrimoine de classe, un patrimoine dont ils peuvent être fiers, une sorte de cahier collectif sans annotations rouges dans la marge. Le site internet est véritablement devenu un outil de partage irremplaçable.
Les enfants acteurs et témoins de leur valorisation : participation au site internet
L’équipement de bonne qualité de la salle informatique est d’une grande aide dans le maniement des ordinateurs par les enfants. Durant la séance informatique du matin (10h20-11h30) une demi-heure est consacrée à la mise en page des textes élaborés par les enfants et à l’usage d’internet. Les élèves utilisent Internet pour effectuer des recherches de textes et d’images. Ils peuvent également visiter des sites présélectionnés de jeux et d’activités en ligne. Enfin et surtout, ils découvrent au fur et à mesure des semaines les travaux des uns et des autres et redécouvrent leurs textes. Ce fonctionnement crée des attentes fortes de la part des enfants. Par exemple, le jour où la version libanaise de Frère Jacques a été enregistrée, j’ai dit aux deux élèves libanais de la CLIN que j’allais mettre en ligne cette version. Quelques jours après, alors que je n’avais pas encore eu le temps de le faire, ils sont venus me voir en me disant qu’ils ne l’avaient pas trouvée. Cette anecdote témoigne de la capacité d’adaptation des enfants et des attentes que crée l’utilisation de nouveaux médias ! C’est la raison pour laquelle il faut également travailler sur la connaissance du fonctionnement d’internet et des démarches que cela implique, ce sont différents apprentissages à mettre en place petit à petit au sein de la classe. C’est un peu compliqué d’expliquer à des enfants comment fonctionne un réseau informatique. Pour eux, internet, c’est un peu partout, dans l’école, au centre social, etc... Mais je pense qu’il est possible de leur faire saisir l'ensemble du processus, de la prise de parole du matin à la mise en ligne du texte qui en découle et de les mettre progressivement en charge de ces tâches … Depuis peu, ce sont les élèves qui scannent leurs images et enregistrent leur lecture. Puis, quand nous aurons internet dans la classe, j’aimerais aller plus loin et associer les enfants à la mise en ligne sur le site.
Créer une interaction entre les personnes extérieures et les enfants
Le site est conçu de telle manière qu’il est possible d’envoyer un courriel aussi bien à l’instituteur qu’aux enfants. Naturellement, je filtre auparavant quand la classe reçoit un email. Il faut d'ailleurs que les enfants aient conscience qu'il faut être prudents vis-à-vis d'internet. J’imprime les textes que je juge appropriés et ils font l’objet d’une lecture commune en classe. Les rapports réguliers que nous avons sur le site sont plutôt avec des personnes que les enfants connaissent, professeurs ou autres qui nous invitent dans leur classe pour des activités communes. Le site est un excellent moyen de collaboration pédagogique parce que concrètement, les personnes décident d’y aller quand elles veulent et d'y voir ce qu'elles veulent! Il nous arrive aussi de recevoir un email de quelqu’un que nous ne connaissions pas. Par exemple, une grand-mère arménienne nous a écrit pour nous dire à quel point elle avait été émue par un conte arménien qu’elle avait écouté sur le site. Ca a naturellement fait l’objet d’une lecture collective la fois suivante.
L'usage d'internet à l'école, une réaction en chaîne?
Dans le primaire, les équipes éducatives « vivent » ensemble, cela facilite la mise en place de projets! En ce domaine, je crois vraiment aux initiatives locales, au bricolage coopératif et à l'enthousiasme communicatif! Moi-même j'ai commencé ce site après avoir découvert ce qui existait sur internet, notamment cet autre site international de quartier (http://lakanal.net) qui est réalisé par un copain instit à 200m de chez moi!
Leviers et freins Quels sont les facteurs de réussite ?
Une démarche de confiance vis-à-vis des parents
Tout se passe avec l’accord des enfants et avec celui des parents. Le fait même de scolariser les enfants en CLIN tient d’une démarche volontaire de la part des parents. Il faut que tout le monde soit d’accord, l’école, l’instituteur de la classe de référence, le directeur de l’école, la famille. Mon atout, c’est que j’ai la confiance des parents dans tout ce que je fais, en sachant que je leur fais part de manière transparente de mes actions. Je prends le temps de leur expliquer ma démarche d’éducation à et par l’image et de mise en ligne des productions d’élèves. Il est très rare que des parents s'y opposent. Si on prend le temps de discuter, les peurs s’atténuent. Il faut qu’un climat de confiance s’instaure, sinon rien n’est possible, surtout concernant quelque chose d'aussi mal connu et de potentiellement inquiétant qu'internet. Tous les parents n’ont pas accès au site internet. Il y a de grandes disparités en matière d’équipement dans les familles. La grande majorité vit dans des conditions difficiles, voire dans la précarité absolue. Ces familles n’ont donc ni ordinateur, ni accès à internet à la maison. Deux/trois élèves vont occasionnellement sur internet, soit au centre social, soit à la maison et ils ont l’occasion de regarder le site. Mais la plupart du temps, ils en ont une expérience scolaire. Lors de la prochaine rencontre avec les parents, je vais m’arranger pour qu’ils puissent aller dans la salle informatique et visiter le site par eux-mêmes pendant un moment. Cela leur permettra de voir comment fonctionne la classe, les productions des élèves et les progrès faits par leurs enfants. Je pense que c’est important qu’ils puissent voir les résultats de notre travail en CLIN.
Une grande transparence dans la communication
Je fais également un gros travail de relations publiques sur le site : ce n’est pas quelque chose qui existe dans un coin. Tout peut être consulté par les écoles de la région, les inspections, les parents. C’est très transparent, je suis dans une démarche ouverte. La présence de ces enfants à l'école est aussi une question ouverte à l'institution et mon site est une proposition pédagogique à partir de laquelle il est possible de réfléchir ensemble. Concernant l'Education Nationale, le site est en lien depuis l’inspection et il est important d'avoir l'accord et le soutien de son inspecteur, ce qui est le cas. Après, ce qui m’importe, c’est la reconnaissance témoignée par les pairs et le plaisir qu'y prennent les enfants. Quand je vois concrètement que ça a du sens pour les élèves, et que cet outil les fait progresser et les rend plus conscients d'eux-mêmes, de leurs progrès et de leur parcours de migration, c’est la meilleure des récompenses.
La motivation personnelle de l’enseignant
J’ai appris à faire tout cela par des relations professionnelles et surtout amicales, sur les forums en dehors du temps de travail. C’est justement parce que personne ne me demande de le faire que j'y travaille avec autant d'exigence. Quand on a une telle liberté pédagogique, on s’investit énormément. Le métier d'instit est déjà très prenant mais vous imaginez comment internet appliqué au métier d'instit peut achever d'occuper votre temps libre! On est toujours un peu en train de travailler mais sans en avoir toujours le sentiment, et ça, c'est un sentiment rare dans le monde du travail aujourd'hui!
Quelles sont les difficultés ? Le paradoxe entre la volonté de travailler sur le long terme et un positionnement de court terme de l’Education Nationale
La situation est variable selon les académies mais ici, les dispositifs CLIN mis en place sont assez fragiles. Ce sont des postes qui ont le mérite d’exister, mais par exemple, la CLIN de Mons-en-Baroeul est une classe annuelle renouvelée chaque année à la rentrée sous condition d'effectif. Actuellement, je ne peux pas être titulaire de mon poste, quand on ne peut être sûr d’être reconduit, il est difficile de s’inscrire dans une perspective de long terme. Ceci peut dissuader certains enseignants en CLIN ou CLA de développer des projets internet qui impliquent un investissement sur le long terme. En plus, l'inscription dans un réseau humain, associatif et institutionnel au niveau local est déterminante pour ce type de travail. Il serait vraiment souhaitable qu'on puisse se titulariser sur un poste CLIN, pas sur une école mais sur un secteur géographique où les migrants arrivent régulièrement. Même si il est difficile de définir clairement ces secteurs, pas besoin d'une maîtrise de socio pour constater qu'il s'agit toujours des quartiers populaires des grandes villes...
Un risque d’éparpillement
La richesse du site, c’est qu’il peut potentiellement s’adresser à tout le monde. C'est aussi une limite. Un site réalisé par un instit peut avoir plusieurs usages : relation publique avec les parents, travail à la maison, boîtes à outils pour enseignants, sites de classe... Le mien est centré sur la production des élèves mais si j'en crois les messages qui me parviennent, il est assez omnidirectionnel, ces élèves suscitent une curiosité qui dépasse le cadre de l'école! Internet doit rester une technique. Certes, on peut faire plus de choses qu’avec un support papier, mais ça peut être aussi moins bien. Pour le moment, je prends le parti de limiter le site au patrimoine de classe, sans développer de discours pédagogique associé.
Evolutions et perspectives Comment envisagez-vous le futur ?
Entretien radio retranscrit sur internet
L’entretien radio pourrait être intéressant : faire des sorties avec entretiens, prises de sons et photos. Comme le média radio est moins riche que le média vidéo, l'élève en charge du micro sera plus concentré sur le son de la voix et le sens de l'échange s'il n'a que cela à prendre en compte. De la même façon, l'élève en charge de l'appareil photo sera plus attentif au cadrage. Un troisième pourra mener l'échange.
Correspondance scolaire par internet
Je n’ai pas encore de correspondances régulières. Je pensais que ça viendrait plus facilement. J’ai été approché par plusieurs instits en Guadeloupe, sur l’Ile d’Ouessant, mais j’aimerais organiser non pas une correspondance scolaire papier individuelle, mais une correspondance par internet sur des projets collectifs ponctuels. Au niveau des CLIN/CLA, je n’ai pas trouvé de correspondances scolaires mises en place. Le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de sites CLIN/CLA, c’est peut-être lié à la difficulté de mettre en place des dispositifs de ce type. Les postes ne sont pas toujours répartis de façon pertinente sur le territoire, ils sont rattachés à une école et non à un secteur, les instits n’ont pas forcément de salle de classe et ils ne sont jamais sûrs de retrouver leur poste d'une année sur l'autre... Il y a aussi le problème de l’utilisation d’internet. Il y a une certaine méfiance de la part de certains enseignants envers la technologie comme envers l'image. Je me souviens que lors de mes stages à l'IUFM, les instits me regardaient de travers quand je demandais où était la télévision... Ils devaient se dire, celui là, il va leur passer le dernier Disney et aller roupiller au fond de la classe!
Quelque chose à dire pour la fin ?
Durant mon unique année de formation à l’IUFM, je n’ai jamais entendu le mot « CLIN » et j'ai eu 2 heures en tout sur la présentation de tout l'enseignement spécialisé à l'école primaire! La question d'internet n'a pas été beaucoup plus abordée, celle de l'éducation à l'image et par l'image encore moins. Quant aux noms de pédagogues mettant en valeur l'expression personnelle et la coopération à l'école primaire comme Freinet ou Oury, ils n'ont jamais été mentionnés... En résumé, les « mots-clefs » de ma pratique de classe aujourd’hui, je ne les ai pas entendus une seule fois à l’IUFM ! L'éducation à l'image et l'utilisation des technologies informatiques à l'école devraient être prises beaucoup plus au sérieux et s'inscrire dès la formation dans le quotidien du futur instit. Et je crois vraiment qu'il faut partir de ce qui existe, de ce que les instits font et les instits font beaucoup! Il suffit de taper « école primaire » dans Google! Plus profondément, c'est peut-être de la norme pédagogique dont il est question et de l'écart par rapport à cette norme: comment considère-t-on aujourd'hui l'enseignement spécialisé par rapport à l'enseignement général?, un pédagogue comme Freinet par rapport à la méthode syllabique, ou l'usage de l'image et d'internet face à celui du seul manuel de français?... Personnellement, je pense que l'écart éclaire la norme car la norme n'est qu'une moyenne et elle ne permet pas de saisir toute la complexité d'une salle de classe. Je crois qu'une expérience d'enseignement avec des enfants nouvellement arrivés peut développer une sensibilité générale à la différence qui est profitable à « la norme ». D'ailleurs, je n'exclus pas de prendre un jour en charge un CP ou un CE1 avec 25 petits francophones!
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